J’aime pas… Le Diable s’habille en Prada (le film)
Je n’aime pas les livres portés à l’écran. Parce que c’est généralement un joyeux massacre. Je me demande sincèrement comment les écrivains ne rentrent pas en dépression quand ils voient leur travail à ce point défiguré.
J’ai lu le livre avant de savoir qu’il allait être porté à l’écran et je l’avais trouvé plutôt bon, même si j’ai eu plusieurs fois envie de claquer l’héroïne qui se laisse piétiner sans lever un petit doigt. Mais globalement, il était bon. Miranda Priesley était une femme particulièrement odieuse et haïssable. Pour le film, on nous prend une jolie brunette à grande bouche pour jouer l’innocente Andy et face à elle, Meryl Streep. Je ne critiquerai pas le jeu de Meryl Streep, elle est très bonne dans ce rôle. Non, le problème, c’est le scénario et le manque de fidélité au bouquin.
Donc dans le film, Miranda est une horrible bonne femme capricieuse, tout comme dans le livre. Sauf que c’est pas très politiquement correct, quelqu’un de méchant sans raison alors dans le film, on va expliquer tout ça. D’abord, Miranda est une femme dans un monde d’homme donc elle est obligée d’être la pire des putes pour pas se faire manger. Jusque là, ça peut se concevoir. Mais on en rajoute dans le pathos. Dans le film, on la découvre femme seule, son mari veut la quitter et elle est malheureuuuuuuuuuuuse. Non mais c’est quoi ce bordel ? Dans le livre, Miranda ne se justifie pas, Miranda emmerde le monde et son mari n’a aucune intention de se barrer. Miranda est juste une garce.
Face à elle, la douce (et niaise) Andrea, dite Andy qui vient de sa campagne et découvre la jungle New Yorkaise. Mais dans le film, on lui adjoint une histoire d’amour merdique avec un écrivain qui est vilain, en fait, parce qu’il veut virer Miranda (je n’ai pas compris le lien dans le film) et notre fidèle Andy va prévenir sa patronne parce que même si elle déteste Miranda, elle est loyale, waaaaah. Dans le livre, Andy est séduite par l’écrivain mais ne faute jamais avec lui (même quand son mec la quitte) et l’écrivain ne fait aucun coup en douce à Miranda dont il se fout royalement. Mais surtout, dans le livre, Andy se laisse totalement faire par Miranda, au point de ne pas rentrer aux Etats-Unis quand sa meilleure amie alcoolique a un grave accident de voiture mais finit par péter un plomb face à la énième crise de Miranda en lui balançant un sublime « merde » à la gueule. Dans le film, Andy, c’est la grosse rebelle qui démissionne quand sa patronne lui dit qu’elle deviendra comme elle et, acte de subversion ultime, elle jette son portable dans la fontaine.
Mais je crois que le pire, c’est la fin. Dans le livre, Miranda pourrit notre pauvre Andy, bombarde les rédactions de tout New York pour que la petite ne trouve pas de boulot alors que dans le film, elles se croisent et si Miranda feint de l’ignorer, après, elle sourit. Pour un diable, elle tient plutôt du chaton, là.
Bref, prenez un livre délicieusement cynique et lissez tout, vous obtiendrez un film décevant et atrocement politiquement correct avec une meilleure amie noire (et les minorités visibles, alors, faut pas les oublier), une méchante pas si méchante, une héroïne terriblement droite dans ses bottes mais qui a quand même une amourette à Paris parce que Paris, c’est la ville la plus romantique du monde, quoi. Bref un film comme il en existe 150 000 où tout est bien qui finit bien.
En somme, le film ne respecte pas beaucoup l’esprit du livre qui, lui, est plutôt jouissif. Donc à éviter.